L’alimentation végétale connaît un essor remarquable en France. Selon l’étude FranceAgriMer de 2023, 24% des Français se déclarent flexitariens, tandis que 2,2% suivent un régime végétarien et 0,9% un régime végétalien. Ces chiffres montrent une tendance croissante, surtout parmi les jeunes générations, mais aussi une nécessité de s’informer pour adopter cette alimentation de manière équilibrée. Cette évolution des habitudes alimentaires s’inscrit ainsi dans une histoire riche, où les préoccupations pour la santé, l’environnement et le bien-être animal se rejoignent.
Pourtant, en France, l’alimentation végétale reste souvent mal comprise, notamment par les professionnels de santé. En France, où la gastronomie traditionnelle est souvent centrée sur les produits animaux, cette transition peut aussi être perçue comme un défi culturel.
Dans cet article, nous explorerons ensemble l’histoire fascinante de l’alimentation végétale ainsi que son évolution dans le paysage français.

Le végétalisme à travers les âges : un voyage culturel et philosophique
Les racines antiques du végétalisme
L’histoire du végétalisme remonte bien au-delà de nos considérations contemporaines. Dans l’Inde ancienne, le principe d’ahimsa (non-violence) prôné par le jaïnisme et certaines traditions bouddhistes, dès le VIe siècle avant J.-C., encourageait déjà une alimentation excluant tout produit animal. En Grèce antique, Pythagore (VIe siècle av. J.-C.) défendait une alimentation végétale, influençant de nombreux penseurs méditerranéens. Ses disciples, les pythagoriciens, considéraient que la consommation de viande alourdissait l’esprit et entravait la réflexion philosophique.
Les traditions végétales à travers le monde
Asie : berceau historique de l’alimentation végétale
En Chine, la dynastie Tang (618-907) a vu l’expansion du bouddhisme Chan, promouvant une alimentation végétale dans les monastères. Le tofu, créé il y a plus de 2000 ans, témoigne de l’ingéniosité culinaire développée pour obtenir des protéines végétales. Au Japon, la cuisine shōjin ryōri, développée par les moines bouddhistes, démontre qu’une alimentation végétale peut atteindre des sommets gastronomiques.
Moyen-Orient : le berceau des légumineuses
Les civilisations du Croissant fertile ont développé dès 8000 av. J.-C. la culture des légumineuses, base d’une alimentation riche en protéines végétales. Les pois chiches, lentilles et fèves constituaient déjà les fondements d’une alimentation majoritairement végétale.
Le végétalisme dans les cultures traditionnelles
Dans de nombreuses régions du monde, l’alimentation végétale a été la norme plutôt que l’exception, souvent pour des raisons économiques ou géographiques. Par exemple, dans les pays méditerranéens, le régime traditionnel, aujourd’hui célèbre pour ses bienfaits sur la santé, repose largement sur les céréales, les légumineuses, les fruits et les légumes, avec une consommation modérée de viande et de produits animaux.
En Amérique latine, les civilisations précolombiennes comme les Aztèques et les Mayas cultivaient et consommaient massivement des aliments végétaux tels que le maïs, les haricots et les courges, formant la base de leur alimentation. Ces pratiques montrent que le végétalisme, sous une forme ou une autre, a toujours été une solution durable et adaptée aux ressources locales.

L’émergence du végétalisme moderne
Le tournant du XIXe siècle
Le terme « végétarien » apparaît en 1847 avec la création de la Vegetarian Society au Royaume-Uni. Ce mouvement s’est ensuite développé en Europe et en Amérique du Nord, porté par des préoccupations éthiques, sanitaires et environnementales.
Le végétalisme, quant à lui, est théorisé plus tard, en 1944, par Donald Watson, qui fonde la Vegan Society. Cette période marque le début d’une réflexion systématique sur l’éthique alimentaire.

La révolution des années 1960-1970
Les mouvements de contre-culture ont popularisé l’alimentation végétale, l’associant à des valeurs de paix, d’écologie et de respect du vivant. Cette période voit naître les premières études scientifiques sérieuses sur la viabilité d’une alimentation végétale.
Le végétalisme aujourd’hui : une tendance mondiale
Aujourd’hui, le végétalisme est en plein essor, notamment dans les pays occidentaux. En 2023, on estime que 10 % de la population mondiale suit un régime végétarien ou végétalien (source : Euromonitor International). En Europe, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont en tête, avec respectivement 10 % et 7 % de végétariens et végans. En France, bien que la proportion soit plus faible (environ 5,2 % selon l’IFOP, 2021), l’intérêt pour l’alimentation végétale ne cesse de croître, notamment chez les jeunes générations.
Cette évolution s’explique par une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux (l’élevage étant responsable de 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon la FAO) et des préoccupations éthiques liées au bien-être animal. Par ailleurs, les découvertes scientifiques sur les bénéfices santé des régimes à base de plantes ont contribué à démocratiser cette pratique.

Dans le paysage alimentaire actuel, la terminologie autour des régimes végétaux peut parfois prêter à confusion. Faisons le point sur les principales approches, leurs spécificités et leurs motivations.
Le flexitarisme : une transition en douceur
Le flexitarisme représente souvent une première étape vers une alimentation plus végétale. Les flexitariens :
- Privilégient les aliments d’origine végétale au quotidien
- Réduisent consciemment leur consommation de produits animaux
- Consomment de la viande et du poisson de manière occasionnelle, souvent en privilégiant la qualité
- Accordent généralement une attention particulière à l’origine des produits
Selon l’étude FranceAgriMer 2023, 24% des Français se déclarent flexitariens, faisant de ce mode alimentaire une tendance majeure.
Le végétarisme : l’exclusion de la chair animale
Le régime végétarien, suivi par 2,2% de la population française, se caractérise par :
- L’exclusion de toute chair animale (viande, poisson, fruits de mer)
- Le maintien des produits animaux indirects comme :
- Les œufs
- Les produits laitiers
- Le miel
Il existe plusieurs variantes du végétarisme :
- Ovo-lacto-végétarisme : inclusion des œufs et produits laitiers (forme la plus commune)
- Lacto-végétarisme : uniquement les produits laitiers
- Ovo-végétarisme : uniquement les œufs
Le végétalisme : une approche strictement végétale
Le végétalisme, adopté par 0,9% des Français, représente la forme la plus stricte d’alimentation végétale :
- Exclusion de tous les produits d’origine animale
- Alimentation basée exclusivement sur :
- Les fruits et légumes
- Les céréales et légumineuses
- Les oléagineux
- Les graines
- Les algues

Le végétalisme dans le monde : entre acceptation et résistance
Le végétalisme en France : une histoire particulière
La France, pays de tradition gastronomique, entretient une relation complexe avec le végétalisme. Si les premiers restaurants végétariens parisiens ouvrent dès la fin du XIXe siècle, il faut attendre les années 2010 pour observer une véritable démocratisation de l’alimentation végétale. Selon l’OCHA (Observatoire des Habitudes Alimentaires), cette évolution s’explique par une prise de conscience environnementale et sanitaire croissante.
La situation française : un héritage culturel fort
En France, le végétalisme est souvent vu comme extrême, contrairement aux Etats-Unis ou au Canada où il est reconnu comme équilibré. En effet, la France entretient une relation particulière avec le végétalisme, marquée par plusieurs facteurs :
Une tradition gastronomique ancrée
- La gastronomie française, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2010.
- Le repas traditionnel français structuré autour d’une protéine animale : les produits laitiers, la viande et le vin sont des symboles identitaires forts. La France compte pas loin de 1 200 variétés de fromages.
- La formation des chefs largement basée sur les techniques de cuisine traditionnelle
- Le prestige historique des plats à base de viande : les plats traditionnels (bœuf bourguignon, coq au vin, foie gras…) sont essentiellement carnés, renforçant l’idée que la viande est nécessaire à une alimentation équilibrée.
Ainsi le végétalisme est souvent perçu comme un rejet des traditions et de l’art culinaire français. Les arguments éthiques et environnementaux sont parfois vus comme une remise en cause des savoir-faire locaux et du modèle agricole, notamment dans les zones rurales, où l’élevage fait partie du paysage et de l’économie locale.
Des freins institutionnels
- La loi de 2011 sur la restauration scolaire rendant obligatoire la présence de produits laitiers. Souvenez vous de la campagne publicitaire : « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie! »
- Les recommandations nutritionnelles historiquement centrées sur les produits animaux et influencées par les lobbys agroalimentaires : les syndicats agricoles et les industriels du lait et de la viande exercent une forte influence sur les politiques nutritionnelles.
- La formation des professionnels de santé encore peu orientée vers l’alimentation végétale : les études de médecine et de diététique accordent encore peu de place à l’alimentation végétale. Malheureusement, certains professionnels de santé restent influencés par d’anciennes études associant le végétalisme à des carences.
- Jusqu’en 2019, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire) était encore très prudente sur le végétalisme, notamment pour les enfants et les femmes enceintes. Depuis, la position a évolué, mais les recommandations restent floues et peu mises en avant.
Des pays comme le Canada et le Royaume-Uni ont mis à jour leurs recommandations pour inclure davantage d’alternatives végétales, contrairement à la France où l’ANSES reste prudente. Ainsi, aux Etats-Unis, l’Académie de nutrition et de diététique (AND) reconnaît officiellement depuis 2009 qu’une alimentation végétalienne bien menée est adaptée à tous les âges de la vie.
Les pays plus ouverts au végétalisme
Israël : leader mondial
Souvent considéré comme un leader mondial dans ce domaine, avec 5 % de sa population se déclarant végane, ce pays montre qu’une transition vers une alimentation plus végétale est non seulement possible, mais aussi florissante. Tel-Aviv, sa ville emblématique, est même reconnue comme la capitale mondiale du véganisme ! Cela s’explique par une culture locale déjà riche en plats traditionnels à base de plantes, mais aussi par une innovation impressionnante dans le développement d’alternatives végétales modernes. Une belle inspiration pour celles et ceux qui souhaitent explorer une alimentation plus respectueuse de la planète et de leur santé.
Inde : une tradition millénaire
Avec une histoire millénaire, ce pays compte entre 30 et 40 % de sa population végétarienne, un chiffre impressionnant qui s’explique par une forte acceptation culturelle et religieuse. Là-bas, choisir une alimentation à base de plantes est non seulement courant, mais aussi profondément ancré dans le quotidien. Les infrastructures sont bien développées, avec une multitude de restaurants et de produits adaptés, et la cuisine traditionnelle indienne est naturellement riche en plats savoureux et équilibrés sans viande. Une belle preuve que l’alimentation végétale peut être à la fois ancestrale et pleinement intégrée dans la vie moderne.
Royaume-Uni : une évolution rapide
Le Royaume-Uni, quant à lui, se distingue comme un véritable moteur de l’alimentation végétale en Europe. Saviez-vous que c’est le premier pays en termes de lancements de produits végans ? Le marché des alternatives végétales y connaît une croissance spectaculaire, et les chaînes de restauration s’adaptent largement à cette tendance. Des initiatives comme « Veganuary« , une campagne nationale qui encourage à essayer le véganisme en janvier, rencontrent un succès grandissant chaque année. Et ce n’est pas tout : le NHS, le système de santé britannique, propose même des conseils détaillés pour adopter un végétalisme équilibré et sain. Une belle démonstration que l’alimentation végétale peut être accessible, variée et soutenue à l’échelle d’un pays entier.
Allemagne : leader européen
L’Allemagne, leader européen en matière d’alimentation végétale, est un véritable modèle d’innovation et d’engagement. Elle possède le premier marché européen des produits végans, et Berlin, sa capitale, est souvent considérée comme la capitale végane du continent. Ce succès s’explique par un fort soutien des mouvements environnementaux, qui ont contribué à sensibiliser la population aux enjeux de l’alimentation durable. Les innovations dans les alternatives végétales y sont nombreuses, et des guides pratiques sont même proposés pour aider chacun à adopter un régime végétalien équilibré. Une belle inspiration pour montrer que l’alimentation végétale peut rimer avec accessibilité, créativité et respect de l’environnement.
Pays scandinaves : une approche pragmatique
Connus pour leur approche pragmatique et leur engagement en faveur de l’environnement, ils sont également des acteurs clés dans le domaine de l’alimentation végétale. Leur forte sensibilité écologique se traduit par des politiques publiques favorables et une innovation de pointe dans le développement de protéines alternatives. En parallèle, l’éducation nutritionnelle y est très avancée, permettant à chacun de mieux comprendre les enjeux d’une alimentation durable et équilibrée.

Pour conclure
Cette riche histoire, qui a traversé les époques et les cultures, nous rappelle que le végétalisme, loin d’être une simple mode, s’inscrit dans une longue tradition de réflexion sur notre rapport à l’alimentation et au vivant. Elle nous invite à repenser notre alimentation avec conscience et créativité. Aujourd’hui, le végétalisme incarne une réponse aux défis contemporains, alliant respect de la santé, des animaux et de la planète.
Le chemin vers une alimentation végétale est profondément personnel et mérite un accompagnement adapté aux besoins et aux objectifs de chacun. Il est essentiel de comprendre que cette transition peut se faire progressivement, dans le respect du rythme de chacun. L’information et l’accompagnement professionnel jouent un rôle crucial dans la réussite de cette démarche, permettant de maintenir le plaisir de manger tout en assurant un équilibre nutritionnel optimal.
En tant que diététicienne spécialisée dans l’alimentation végétale, je vous propose un accompagnement personnalisé pour explorer ce mode d’alimentation tout en respectant vos valeurs et vos traditions culinaires. Chaque consultation est l’occasion de découvrir comment une alimentation végétale peut s’intégrer harmonieusement dans votre quotidien, dans le respect de vos besoins et de vos envies. Je vous invite à prendre rendez-vous pour un bilan nutritionnel personnalisé qui marquera le début de votre voyage vers une alimentation plus végétale, équilibrée et savoureuse.
Envie d’écouter un podcast sur l’alimentation végétale ?
Les grandes lignes de cet article sont reprises dans le podcast Nutri-Vérités :
« Le végétalisme à travers les siècles, en France et dans le monde »
Amandine PIQUEREY
Diététicienne-Nutritionniste

Pour aller plus loin :
Si le sujet de l’histoire du végétarisme vous intéresse, je vous recommande le livre de « Histoire du végétarisme » de V. Chansigaud (octobre 2023), qui offre une analyse approfondie de l’évolution du végétarisme à travers les âges. L’ouvrage retrace l’histoire du végétarisme depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, en examinant son développement dans différentes périodes historiques et cultures.
Sources :
- IFOP (2021) : Synthese-_-Vegetariens-et-Flexitariens-en-France-en-2020-IFOP.pdf
- Interfel (2023): Présentation PowerPoint
- FranceAgriMer (2018) : 11_Synthèse Panorama végétarisme en Europe.pdf
- Vegan Pratique : Le PNNS et l’alimentation vegan, fiche nutrition – Vegan Pratique
- HAL Open Science (2023) : Prise en charge des patients végétariens et végétaliens: étude comparative des pratiques de médecins utilisant et n’utilisant pas le site internet Végéclic.com